Laurent Colomb                              

 

Autochtonies

Théâtrographie

Autochtonies I Accueil

Scène

Avec Autochtonies, Laurent Colomb & Antoine Denize, nous invitent à un voyage dépaysant dans notre beau pays de la Fronche.

Pays habité par ces autochtones, mais pas que.

Pas qu’eux.

Et surtout, ils nous invitent, à un voyage ébouriffant, dans une langue en perpétuel mouvement, qui s’invente, vivante, grâce à l’apport, des plus jouissif, de mots nouveaux, de mots déformés, de mots déconstruits, de mots reconstruits, créant un tourbillon joyeux de langue(s) qui tourne(nt) plus vite que 7 fois dans sa bouche.

On y découvre, dans ce paysage, des contrées magnifiques, souvent peu ou mal connues, et un peu comme dans un tableau rêvé, les couleurs s’y complètent, s’y côtoient, s’y mélangent.

Et toutes les couleurs !

Qui au final, en créent de nouvelles encore plus lumineuses et pétaradantes.

Autochtonies (avant peut-être de s’adresser à notre intellect), stimule, et j’irais même jusqu’à dire, excite nos sens de façon tonitruante, nous faisant ressentir au cœur même de la langue de notre beau pays de la Fronche, combien, des apports extérieurs, des hybridations, des modulations, nourrissent, enrichissent (sans se préoccuper de rentabilité), construisent finalement, cette langue vivante, palpitante et son humanité.

Et c’est à nous tous, pour une fois, de l’assimiler et entreprendre une réflexion.

En ces jours un peu, voir beaucoup, en tout cas, beaucoup trop grisâtres, nous avons tout à entendre intimement et collectivement de cet Autochtonies qui est salutaire à bien des égards.

    Yves Arcaix - 2015



Autochtonies est né d’une résidence de dix mois à la Maison des Femmes d’Asnières-sur-Seine. Le poète Laurent Colomb y a récolté les récits de vie de ces femmes laissées pour compte, déracinées de leurs pays natals. Il retranscrit leurs langues malhabiles, qui déforment le français, l’étirent ou l’écrasent. Sous-titré « Théâtre », Autochtonies est un recueil de monologues, qui donnent la parole à ces êtres égarés.


Chaque discours possède son originalité propre. Il y a celle qui zozote (mozabite à l’HLM dans laïcité), celle qui est enrhumée (le pays de la Fronche ne peut t’accueillir toute la misère du monde), celle qui anglicise (c’est hyper difficile en fait to talk avec des verbes alors je faux souvent). Il y a les images (île est la longue la chemin de vie parsemé de bûches), les revendications (toute personne a droit à la broudekzion guontre l’choûmache, guelquezoi zonorigine), la tristesse (passe un nuage triste dans m’âme).


Ces différents textes sonores nous ouvrent à une langue bien différente du français oral conventionnel. L’auteur joue avec nos codes (Leroy-Merlin et Castorama deviennent, par exemple,Laroi-Marla et Gazdou-Rama) et détourne notre culture commune, en insérant des dates, des logos, des noms propres (sait ça l’bac blues droit : elfe l’étude Queneau (1903-1976) n’a pas fée). Cette prise de distance ironique souligne la précarité du français académique, tout en réveillant ses possibilités. Le parler phonétique, déconstruisant les règles et les normes, s’adresse directement à notre imaginaire. Ces mots inconnus, à l’orthographe flottant, à la musicalité attachante, donnent naissance à de multiples associations. Enfantines (perfecture pour préfecture, verselle pour vaisselle), raccourcies (stadir, ymdi, prémidi), drôles (je vous prie d’aigrelette toutes mes spéculeuses sédimentations, belle formule de politesse revisitée), elles ravivent et colorent notre français trop uniforme.


Autochtonies est donc le fruit d’une démarche passionnante, qui questionne notre patrimoine linguistique, fragile, en permanente mutation, enrichi par les apports étrangers – comme augmenté par toutes ces erreurs qui n’en sont pas.

    Camille Cloarec - 2015