Laurent Colomb
Entretien / réalisé par Laure Gauthier pour Poésie et musique aujourd’hui, Remue.net
Laure Gauthier : Quand vous parlez de poésie, vous évoquez une poésie « dé-livrée » comme sortie du livre, une poésie des « corps en voix ». La voix est-elle le centre névralgique de votre écriture ? Et quel est alors le statut du texte ? Se renouvelle-t-il à chaque projet ?
Laurent Colomb : La voix est le « centre nevralgique » de mon écriture précisément parce que je crois en l’impact physique des mots. Dès l’instant où gestes et phonèmes vont jouer un rôle essentiel dans la compréhension de cette langue, elle va parler au corps tout entier. Le texte est rendu à sa fonction première de prothèse mnésique, support tissulaire d’une oralité oublieuse de ses tâtonnements et de ses souffles, qui font pourtant son ! au sens. Comme il est renouvelé en tant que surface symbolique à chacune de mes tentatives d’incarnation (puisqu’il s’agit objectivement de faire bonne ? chair avec le verbe), ce vêtement peut prendre diverses formes : poème partitionnel, dialogue en FLE, sillons polyphoniques, codex interjectif, onomato-drame nipon.
Laure Gauthier : Vos poèmes engagent le voir et l’entendre et se destinent au lecteur-phonateur. Vous dites à ce propos qu’ils « encouragent méthodiquement un sensualisme universel » et font appel au corps-son : en dégrafant le lien qui relie le poème au sens et en accentuant la dimension phonique et polyphonique. Pensez-vous défaire la frontière souvent établie entre poésie et musique, l’une considérée comme langue particulière et l’autre comme langage universel ?
Laurent Colomb : Musique et poésie étaient indissociables du temps où la littérature était essentiellement vocale. L’aède grec, le barde celtique, les troubadours occitans… étaient toujours accompagnés de musique sinon de danse. Si bien qu’un véritable dialogue, sorte de conversation, existait entre ces différentes formes d’art, les traversait. En définitive, la langue, les langues me fascinent pour ce qu’elles sont : des expressions sonores productrices d’écho et porteuses d’un désir grandissant de polyphonie. Ni musique, ni poésie après tout, mais une voix plurielle, multiphonique, capable de repousser les limites vibratoires d’un corps dans un espace langagier toujours plus élargi.
Remue.net 2021 & D’un Lyrisme l’autre, éd. Musica Falsa 2022 (extrait)
Scène
Théâtrographie
Ha, Heu, Hi, Ho, Hu I Extrait
> Photos
> Entretien
Ha, Heu, Hi, Ho, Hu !