Laurent Colomb
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Barbare orgue
Scène
Théâtrographie
Barbare orgue I Accueil
Et si ma présence sous ce soleil méditerranéen dans ce bâtiment à l'allure de bagne, avait pour fin de réconcilier la chiourme de 4 ans de zonzon au mieux ! d'avec sa belle assurance ? Et si le théâtre pouvait offrir à l'infant citoyenne, l'aplomb d'une petite-mère du monde ; confiante et curieuse, capable d'espéranto comme d'espoir, libre d'agir seule mais toujours soucieuse du désir des autres ? Et si, et si… J'imagine qu'un tel rendez-vous pour peu qu'il soit régulier, rapprocherait le petit d'homme d'avec le grand tant un univers d'habitus les sépare à entendre ces hurlées qui accueillent tout visiteur qui croise un adulte dans ces couloirs… — JPP de ces taules de Zep grottes d'une réforme. Il est où le bahut de l'Amour ? le collège des p'tits lovers ? Ça fait tiepard d'entendre hurler les profs. Quel loose-la-vie, si c'est pour partir en sucette au taf tous les morninges...
*
La BO d'une comédie des années soixante-dix, trompe comme un éléphant dans la cour du collège. C'est la mer, les mouettes et les violons de Vladimir Cosma qui jouent à plein poumons sur les cris joyeux des enfants où se mêle encore le désespoir d'un adulte :
– Non, non, vous n'irez pas en permanence faire les guignols. Vous vous rangez, c'est tout.
– Et pourquoi, M. Brun ?
– On vous l'a dit : vous avez théâtre.
– ش [chè] !
– Vre.
Mes yeuves m'ont tej dans ce collège de cassos où y a pas photo à l'arrivée : c'est que des pattes cassées de la life qu'on a yapouté en friend zone. C'est quoi qui leur a pris de divorcer, genre ? puis se casser en mode « salut » après m'avoir carroté chez Mère-Grand ?
– Tiabites où le Badé ?
Sorti de nul part, le visage d'un visage du visage d'un visage de fille. Puis des yeux, écarquillés. Tout ronds. Avec des éclats de vert-tilleul, dedans.
– Chez ma tante.
Comme s'il lui était impossible d'avouer vivre chez mémé, de peur qu'on l'imagine faire fondre un La Vosgienne©, cartable sur le dos tous les matins avant d'aller en cours. Quant à moi, je réalise que c'est précisément ici, dans ce collège qui compte une famille sur deux en grande précarité, et un enfant sur deux bilingue, un sur trois trilingue, un sur quatre… que j'irai au théâtre en puberté, dans un exercice des langues et un sens tout particulier de l'écoute.
Re-Cosma à 8h00 pile, quand je regarde en arrière : quel souvenir conserver de ces années de collège à patienter la fin du jour sous un platane malade, compter les pucerons-tigre nichés sous son écorce, collectionner sans compagnie les plus beaux fragments de gypse et de silex trouvés dans la poussière de ses feuilles d'automne ? J'aurais adoré avoir théâtre… ce qui attendait à présent 12 élèves d'une classe de cet établissement.
Les croches du piano d'Hello Marylin, virevoltent dans l'air sec de ce matin bleu où plane une mouette véritable.
– On te chouf azy ! ak les copines depuis ta l'heure… Tié michto pour un fromage. Unicode 1F609 : winking face.
– Cool.
Un moment suspendue, Youssra puisque c'est son prénom, semblait attendre une autre réponse de Moi-le-Hache maintenant dit « le badé », celui-qui-regarde, ahuri. Mais le francilien est statufié, c'est là son moindre défaut. Pas d'autre visage pâle dans cette assemblée de visages hâlés que « Le soleil [qui] dirige tout » (est-il écrit, sur une fresque surmontée d'un drapeau) noironne… en corps. Bleu, blanc, gris… — Comment réagir ? Qu'est-ce que « réagir » ? les poings serrés sur les bretelles de son sac à papiers, oui bien sûr, aïe.
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