Laurent Colomb                              

 

Alfred Wolfsohn (Berlin 1896 - Londres 1962), brancardier dans l’armée allemande, élabore un « exorcisme vocal » partant du pouvoir exorbitant d’un cri saisi dans les tranchées de la Grande Guerre. Fondateur d’une pratique cathartique de la voix, il libère le matériau phonique de ses prérogatives lyriques ou langagières, associant à cette expression in extremis la possibilité de résoudre un désordre psychique. Dans le prolongement de la psychanalyse naissante et accordé aux procédés psychotoniques de son temps (le test des associations verbales de C.-G. Jung, la méthode du rêve éveillé dirigé de R. Desoille, les tests projectifs de H. Rorschach…) l’ancien brancardier désormais professeur de chant, confère au cri la valeur d’un instrument thérapeutique qu’il déploie sur une échelle fréquentielle inouïe (7 octaves 25 The Guinness Book of Records). Emprisonnés dans des attributions vocales fonctionnelles jugées inhibitrices, les premiers élèves d’Alfred Wolfsohn sont amenés à surmonter une à une les barrières tonales assignées à leurs voix par les conventions sociales. Il leur est commandé notamment, d’outrepasser les limites sexuelles de celles-ci jusqu’aux confins d’un arc pan-sonore, signe d’une transformation androgyne de leurs personnalités. Sensible au principe jungien d’une « bisexualité psychique » inhérente aux individus, Alfred Wolfsohn assimile bientôt sa démarche à une pratique développementale, s’appuie sur une table des correspondances psycho-tonales pour la décrire. Il fuit l’Allemagne nazie en 1938 pour s’installer à Londres où il fonde un centre de recherche vocal, instiguant une forme de pensée ésotérique. Après sa mort, l’un de ses meilleurs élèves, Roy Hart (Johannesburg 1926 - Malérargues 1975) entre autres interprète de Karlheinz Stockhausen, Peter Maxwell Davies…, prend en charge la direction d’une communauté artistico-thérapeutique qui portera son nom, bientôt révélée comme un « théâtre du cri ». Les spectacles qu’il co-réalise entre 1969 et 1975 sont constitutifs d’une interrogation sur les origines du langage, comportent d’étonnantes similitudes avec certaines cultures musicales de tradition orale.

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Le Muscle de l’âme I Résumé de l’intervention

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